ENTRETIEN AVEC VASCO
Q ___Parlez nous de vous-même et de vous activités.
V___J'ai la quarantaine. De 1950 à 1965, j'ai fait de la peinture.
je me suis bagarré en tant que peintre pour des tas de choses.
Mes dernières réalisations étaient proches du pop-art.
Mon expérience est issue du travail de LEGER, de MONDRIAN et de MALEVITCH.
J'ai puisé chez ces gens-là tout ce qui anti-peinture.
Finalement, j'ai passe 15 ans à me battre et à essayer de faire l'anti-peinture. C'est très pénible et contradictoire dans un milieu de peintres.
En 1965, j'habitais Montreuil, et on m'avait confié la tâche d'animateur dans la Galerie Municipale. Là, j'ai continué mes fantasmes. J'étais en désaccord avec les responsables parce qu'ils voulaient refaire un lieu comme il y en a partout
(Faubourg Saint-Honoré ...) et por moi , c'était d'essayer de trouve autre chose.
Pratiquement il n'y avait plus de tableaux aux murs...alors.....
il y a eu des frictions...
Simultanément, tout ce que je peignais devenait de plus en plus impossible. J'avais des surfaces de huitmètres de long entièrement ripolinées avec des chiffres. ça prenait des aspects fous...J'étais proche de l'art mural dont on parle beaucoup maintenant pour - finalement - être aujourd'hui tout à fait contre.
D'ailleurs je ne crois pas qu'il y ait un personnage entre mille qui soit un peu plus créateur qu'un autre...
Q ___ Si le non d'artiste vous déplaît, vous le remplacez par quoi ?
V __ Je ne sais pas.
L'artiste, c'est un vieux mythe. C'est pour moi paralysant.
Q ___Que pensez- vous de l'utopie ?
V ___Moi, je trouve cela très beau.J'aime beaucoup.
Q ___Pouvez vous me donner des noms d'utopistes qui vous plaisent ?
V___ Le CORBUSIER est un utopiste intéressant.
L'utopie, ce sont des idées lâchées qui n'ont pas d'applications précises et pour lesquelles il faut se battre.
Pour moi c 'est une chose intéressante et importante.
Il y a un tel travail à faire que tant qu'on n'aura pas fait une montangne d'utopies, les choses resteront sans bouger. Il faut que cela soit fait àune grande échelle en balayant le reste, mais il ne faut pas que l'utopie soit rentabilisée rapidement.
Par exemple : une des grandes utopies de notre époque est de faire un urbanime intelligent et beau.
Mais cette idée là n'est pas assez nourrie.
(( soyez raisonnable ! )) disent les technocrates, alors qu'au contraire,il faut être déraisonnable. Leur utopie à eux, on s'en passerait bien !
Q___Quelles sont les réalisations auxquelles vous avez participé ?
V___ J'ai organisé une exposition sur l'Art Russe d'Avant-Garde : MALEVITCH, TATLIN,
LARIONOVA, GONTCHAROVA.
Ils ont été les premiers à faire une révolution et ils ne se sont pas attachés tout le temps à ces tableaux encadrés, à toute ces tentures de l'art académique. Ils ont mené un combat d'équipe et ont publié LE MANIFESTE DE MALEVITCH. Un travail nouveau, révolutionnaire,à la fois sur le plan philosophique et esthétique remettait en question l'art officiel et en même temps tout l'art européen.
Ensuite j'ai fait une exposition sur l'Art Africain. Et une autre exposition sur l'architecture (( Rêve ou Réalité )).
J'utilisais du cinéma expérimental et d'animation dans toutes les formes de décor. Je voulais balayer le côté ((galerie)) et j'arrivais à faire du lieu une cafétéria... du coup, on m'a dit : (( Rentrez dans vos foyers ! ))...
A cette époque-là je connaissais un groupe de musique pop, une équipe de zonards, l'équipe de Montreuil, qui faisait des recherches intéressantes, bien branchées, et comme je faisais de la photo, je me suis mis à faire des trucs avec eux. J'ai acquis deux ou trois appareils de projection assez puissants, un matériel de base
(écran translucide ) de 3x3. Nous avons fait ensemble des montages à la fois musicaux et diapos. Nous avons fait ainsi six spectacle :
- ROUGE ET NOIR,
- LES FLECHS,
- CERCLE ET CARRE
- LE SCENARIO?
- BROMBIRE, en 1967/68 (25 mm ) .
Il y avait un mixage de musique et de diapos.
Nous avons donc travaillé ainsi, d'abord ensemble puis séparément . Ensuite , j'ai continué sur les images et aussi à enregistrer des musiques sur bandes, puis j'ai fait des travaux. Je ne savais pas à l'époque que ce que je faisais, s'appelait de light-show. C'était parallèle aux recherches de light en californie.
J'étais moins branché sur les choses organiques qui éclatent avec le groupe, moi , c'était plus découpé, plus formel : c'était parallèle.
Nous avons commencé avec une équipe de trois.
Cette équipe a perpétuellement bougé et
travaillé au Théâtre de Plaisance :
- ZOE
- UBU ROI
- UN film de BARRATIER (( LA décharge )) (il voulait faire intervenir à l'intérieur du film des images sur les personnages ).
Q__L'image, c'est quoi pour vous, et par rapport à votre travail ?
V__ Oh la la !...
Parti de trois appareils, le matériel s'agrandissait....s'agrandissait. J'en ai maintenant une trentaine.
Q__Donnez-nous des détails sur ce matériel ?
V__ Ce sont des projecteurs fixes, des passe-vues, des Leitz, des Kodak carousels (24x36) et aussi des projecteurs de cinéma. Utilisation du 16, du super 8. Matériel sono également.
Fin mai 68, 69, j'ai travaillé avec un groupe qui s'appelait (( PLANETARIUM )).C'était une communauté hippie habitant la Vallée de Chevreuse. Nous avons élaboré des choses qui ont été projectées ensuite au Centre Américain et dans différents endroits.
J'ai organisé le premier Festival du Light qui a duré six jours consécutifs au MUSEE D'ART MODERNE, en 1970. Fréquentation : 2000 personnes par jour.
Chaque soir il y avait un groupe différent de light qui choisissait sa formule en faisant venir un ensemble de musiciens de son choix Cela donnait des choses très précises, très pointilleuses, ou de grandes illustrations.
Dans un scénario que j'avais fait , il y avait onze musiciens dont trois batteurs, (( LE RETOUR DU GRAND BERTHOULET ET SES PAYSANS FLIPPES )).
Berthoulet, c'est un vin, et dans notre spectacle c'était un robot métalique de 2,80 m de haut : genre de fresque; d'épopée, de western. Nous parlions de choses très contemporaines et vers la fin, dans le fumigène, des bouteilles de plastique volaient et il y avait des projections sur des ballons. C'était la fête.
Cela représentait deux mois 1/2 de répétitions.
Q __ En définitive,qu'appelez-vous le light-show ?
V__Un light-show est un spectacle audio-visuel. Des images ou, plus largement des (( formes)) en mouvement, diffusées par plusieurs appareils de projection, accompagnées de sons musicaux ou d'un "bruitage" pouvant consister en " collages " d'éléments sonores d'origines variées. light est un enfant de la révolution psychédélique dans laquelle s'engouffra durant les années 60, cette fraction de la jeunesse américaine qui se dressait contre l'ordre établi.L'an dernier j'ai fait un travail avec Nicolas DEVIL " OREJONA " ( 1h30 ), entièrement sur bandes que j'ai fait d'après son livre qui doit être édité prochainement . Nous avons présenté ce spectacle à la Cartoucherie, trois fois, et ensuite 17 fois au Festival de Montparnasse. Cela représentait cinq mois de travail et 4 à 5 000 diapositives (travail de laboratoire assez considérable et des heures et des heures de magnétophone ).
Le spectacle a aussi passé en province et a très bien marché.
Q __ La création, ne la voyez-vous que collective ?
V __ Cela ne peut être autrement.
Nous sommes une équipe de quatre, chacun prend sa tâche dans le domaine qui est le sien et enrichi le scénario.
Les trames de base sont très simples, à partir de là, chacun l'enrichit. Ensuite, quand nous sommes arrivés à une certaine somme de travail, tout est remis en chantier. A ce moment-là, on reprend les références des départ, à savoir qu'on élimine, ou complète certains éléments , etc. Mais il n'y a en général, qu'un moteur .
Je reconnais que je ne peux, seul, le faire fonctionner, tout comme un chef d'orchestre a besoin de ses musiciens. Ce n'est pas un travail d'individualiste.
Q __ L'enfance c 'est quoi, pour vous ?
V__ Je ne crois pas que ce soit un monde privilégié, pas du tout. Surtout par rapport aux adultes précisément.
Q __ Vous souhaitez que les adultes aient le respect de la liberté des enfants, et la confiance ?
V __ Oui.
Q __Est-ce que vous voyez d'autres éléments pour régler les rapports adultes-enfants ?
V __ Il faudrait créer des écoles pour les adultes.
Il y a un phénomène qui existe de plus en plus , c'est que les enfants commencent à s'éclaircir les idées et à se révolter de plus en plus. C'est un phénomène nouveau qui appartient à notre époque, je crois qu'il y aura une poussée parce qu'ils se rendent compte de l'inhumanité des choses. Il y a une inconséquence, une irresponsabilité chez lesadultes devant les problèmes généraux.
Courant Mai, au Théâtre de la Plaine, nous allons donner dix représentations d'OROJENA avec Roger Mason qui fait du folk et joue de la guitare. Ce sera à partir du 20 mai.
Q __ Le Pop-art ?
V __ le Pop-art, c'est plusieurs choses.D'une part c 'est ce que les peintres ont fait en Amérique : WARHOL, RAUSCHENBERG , LICHTENSTEIN ...
Le Pop-art c'est toute l'extention que ça a pris, c'était de mettre dans l'art des objets manufacturés, de les montrer avec tout ce que cela représente de grotesque, d'accaparant, de moche ou quelquefois d'intéressant.
C'est faire un constat simple en simple en montrant des objets ( WARHOL montrait des étiquettes avec des vaches et des vaches multipliées par centaines...) C'est une sorte d'imagerie de notre époque. C'est reprendre des éléments a et là , de les restituer et d'en donner une vision nouvelle.
Q __ Quelles sont les différences entre l'Op-art et le pop-art ?
V __L'Op-art, ce sont les géométriques : SOTO, ALBERS, ils ont des oeuvres complètement géométrisées , découpées , cinétique aussi. Ils jouent beaucoup sur les choses visuelles.
Q __ Pensez-vous revenir à la peinture ?
V__ Très franchement, c'est une question que je ne me pose pas du tout.
J'ai oublié de vous dire une chose, j'ai fait beaucoup de sérigraphies pendant trois ans , des chose tirées sur vinyle , des choses pop ( motos,visages répétés 80 fois, des éléments répétitifs, un peu obsessionnels ).
Moi, j'ai besoin que mon travail artistique serve à quelque chose.
Q __ LES SOFT MACHINES ?
V __C'est très bien. J'ai beaucoup travaillé avec David ALLEN.
Q __Utilisez-vous uniquement de la musique pop ?
V __ Non, j'utilise tous les genres musicaux, même les marches militaires, comme le chant du départ.
Le 4 avril 1973
Interview pour les archives du Théâtre National de Chaillot (ex .T.N.P) à l'occasion du light show/animation= enfanve, présenté sous chapiteau au château de Vincennes, pendant le festival des enfants dirigé par Jack LANG.